@Maxime Fleuriot. Avec Licia Morais, danseuse, chorégraphe et chercheuse – Salvador.
L’artiste chercheuse est accompagnée de ses collaborateur·rice·s français·e·s et de l’analyste du mouvement brésilienne et Professeure de l’Université Fédérale de Bahia Lenira Rengel. Ce temps de travail débute au coeur du carnaval avec la sortie, le Mercredi des Cendres, au Pelourinho à Salvador du Bloco de Eshou de Raimundo Bouzanfraim. Cette entité appelée Eshou n’est pas un orisha mais un eshou-esprit issu d’autres pratiques religieuses. Et Raimundo Bouzanfraim a la spécificité d’être un eshou français! Mais um cruzamento… Mais l’orisha messager est tout de même honoré à travers le rituel du pàde qui précède un xiré, évocation chantée et dansée de tous les orishas. Au delà de l’acte carnavalesque, il s’agit ici avant tout d’un acte politique de la communauté afro-brésilienne en pour affirmer que “Exu não è o diabo”, Eshou n’est pas le diable.
Ce second voyage est construit autour de la cérémonie Ajòdun pour Eshou du 7 mars 2020 à la Casa do Mensageiro où toute l’équipe est accueillie pour plusieurs jours. Fanny achète une chèvre au Mercado São Joachim, offrande de toute l’équipe à la divinité pour cette grande fête. Ce rituel, qui dure plus de 5h, et sa préparation constituent le coeur de notre projet et le moment est particulièrement intense pour toute l’équipe, particulièrement pour Maxime Fleuriot qui filme à bout de bras les traversées multiples du messager. Eshou danse longtemps et partout, endurant, virtuose, communicatif et précis. Au-delà d’approfondir nos compréhensions en terme de transmission, de lignées ou encore d’organisation liturgique des danses, la collaboration avec Pai Rychelmy et la communauté de ce terreiro nous a permis une immersion précieuse dans l’univers riche et complexe du candomblé.
Nous travaillons également avec Pai Edgar Biy au Terreiro Ilé Axé Barabo à Camaçari, fils d’Eshou “fait” par le célèbre Pai Balbino de Xangô il y a plus de 20 ans. Edgar Biy est ainsi un des plus vieux (en terme de temps d’initiation) fils de cet orixá dans l’État de Bahia. Son Eshou est également un incroyable danseur. Cette rencontre avec Edgar, mais aussi avec son entité Capo de Aço, nous a ouvert d’autres perspectives en terme de mouvement, notamment dans le rapport au sol, et a permis d’appréhender de façon concrète la porosité existant entre l’univers des orixás et d’autres pratiques spirituelles.
Fanny Vignals et Laura Fléty rencontrent quelques uns des autres rares fils et filles d’Eshou à Salvador, ce qui permet de commencer à dégager les singularités d’un parcours de vie initiatique et de danse lié à cette divinité.
Sont consultés deux professeurs et artistes spécialisés dans la transmission des danses des orishas: Jose Ricardo dos Santos et Nem Brito da Silva. Ces expériences, temps privilégiés pour l’analyse du mouvement, ont permis de voir à quel point au sein d’un même code la personnalité de chacun·e et de chaque lignée se révèle, ne serait-ce qu’à travers un simple mouvement d’épaule.
L’apport de Lenira Rengel, notre collaboratrice brésilienne analyste du mouvement (Laban), est très précieux. Elle nous apporte sa vision du mouvement mais nourrit aussi notre réflexion sur les différents positionnements dans les milieux artistiques et religieux au regard des débats actuels autour de la notion d’appropriation culturelle.
De magnifiques cérémonies nous ont permis d’observer, sentir, comparer, écouter, percevoir, être subjugué·e·s… notamment à la Casa de Oxumarê pour sa fameuse Festa pour Eshou ou encore chez le babalorixá-anthropologue Julio Bragá au Terreiro De Jagun, et à l’Ilê Axé Opô Dangbálá.
Au vue de la crise sanitaire liée au Coronavirus le lundi 16 mars 2020 les recommandations du Consulat de France de Salvador sont catégoriques: rentrer le jour-même en France et choisir son lieu de confinement. Retour brutal. Inquiétudes pour les populations périphériques et fragiles des grandes villes brésiliennes.
Le voyage est sévèrement écourté mais le vécu est bien là, en nous, et peut commencer, même de façon prématurée, la phase d’écriture… confinée.